Quitter son pays


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A l’occasion d’un article récent où Sam & Max nous invitaient à leur parler de nous, Max m’a proposé de me fendre d’un article sur mon départ de France. Voici donc une rétrospective sur un aspect de ma vie. Cet article est long et je traite dans la 1ère moitié de mon parcours, puis de mes observations.

Mon parcours

En 2003, je termine mes études d’ingénieur en traitement du signal & télécoms, mais en statut d’auditeur libre. Ce qui signifie que malgré mes 11,68/20 de moyenne, mon implication dans des cours du soir pour prouver ma bonne foi (modules de communication et de management au CNAM), et des lettres de soutient d’un prof du CNAM et de 2 anciens maitres de stage, on ne me donne pas de diplôme. A l’époque, le directeur de mon école d’ingénieurs nous annonce qu’il faut nous préparer à une durée moyenne de chomage de 7 mois. Sachant que certains sont embauchés immédiatement sur leur lieu de stage final, les statistiques ne semblent pas jouer en ma faveur. Ce qui me branche comme orientation professionnelle à l’époque, c’est l’armée, pour bosser dans le renseignement. J’aime la crypto et j’ai toujours eu un problème avec l’autorité quand celle-ci s’exerce abusivement, arbitrairement, injustement. Je pense que l’armée est une machine où l’autorité est plus impersonnelle donc plus juste. Et puis il y a la retraite de bonne heure, et puis y’a pas de chômage dans cette branche.

C’est alors que mon maitre de stage d’1 an plus tôt chez un opérateur télécom des Pays-Bas me dit qu’il monte sa boite, qu’il veut vendre un logiciel pour les télécoms à un opérateur en Thailande. En réalité mon stage lui avait servi d’étude de faisabilité. Bref, il me propose de bosser pour lui en Thailande, avec la perspective d’un salaire 2 à 2,5 fois supérieur à ce que touchent les copains de promo. Tchao le projet de rentrer dans l’armée et bonjour la Thailande ! Le 1er souci auquel on est confronté quand on se lance, c’est l’argent. Je recommande de ne pas se lancer sans avoir 3000€ de réserve. Le rusé renard qui faisait appel à mes services ne me payait pas l’hotel (~800€ par mois) et je n’ai signé mon contrat et n’ai été payé qu’après 2 mois de travail et quelques emails paniqués où je disais que j’étais pas sûr de pouvoir manger jusqu’à la fin de la semaine.

Niveau boulot, c’était extraordinaire. Je bossais 16 heures par jour (de mon plein gré et non forcé), de 9h à 3h du mat’ mais je compte 2 heures de pause pour inclure le déjeuner et le diner. Ca laissait 4 heures de sommeil et 2 heures pour l’hygiène, les transports, et les loisirs. C’est énorme mais je le répète, c’était de mon plein gré. Ca me permettait d’abattre plus de boulot et de pouvoir être en phase avec le patron retourné en France, car le décalage horaire est de 5 ou 6 heures selon la saison. Je bossais aussi 6 ou 7 jours selon les semaines. Le logiciel réellement codé était beaucoup moins avancé que ce qui avait été vendu. J’étais donc obligé de mettre les bouchées doubles sur les tâches de conception et de développement, et je me prenais des insultes de la part du client sur les phases de livraison. C’est au cours de ce projet que j’ai rencontré une ingénieure thailandaise qui partagerait ma vie pendant 7 ans mais souvent à distance car elle est devenue consultante à son tour. Mais c’est tout ce que je dirai à son sujet car il ne m’appartient pas de raconter sa vie.

Après 7 mois de Thailande et un peu de repos en France, mon ancien patron fait appel à mes services en tant qu’employé. Conditions salariales très moyennes, mais un boulot c’est un boulot et quand je vois des potes ingénieurs qui se font embaucher au SMIC ou qui bossent chez McDo, je ne vais pas cracher sur ce job. Direction Bruxelles. Je vous épargne les détails sur la relation conflictuelle avec mon employeur que je quitte en très mauvais termes après un peu plus d’un an. Je poursuis néanmoins ma mission belge mais en indépendant. Chez l’opérateur, ça sent mauvais. Un nouveau PDG arrive qui décrète que tout le monde prendra 0% d’augmentation sauf les managers (12%) et lui-même (16,5%) tandis que l’entreprise dégage 10% ou 11% de bénéfice net. Etant indépendant, ça ne me concerne pas mais on est humain et on vit avec des collègues qui sont employés et dont l’avenir s’assombrit. Nouvelle lubie du PDG: l’outsourcing. Bien qu’opérateur télécom, il prétend que la technique n’est pas son coeur de métier. On sait que c’est de la comm’ pour tromper les gens qui verront les infos dans le journal ou au JT, mais ça fait mal. Il y a un grand projet d’identification de toutes les tâches pour transférer toutes les équipes techniques chez un sous-traitant qui lui-même sera chargé de licencier en masse et de délocaliser le travail vers la Roumanie et le Liban. Tout ça met 1 an à se mettre en place et pendant cette année, l’ambiance se dégrade. Tous les midis après le repas, les collègues s’organisent un concours de Sudoku à leur bureau et même le chef d’équipe participe. Plus personne n’y croit. Des gens démissionnent. D’autres sauvent leur peau en faisant une mobilité interne vers un service non-outsourcé. Mon avenir étant compromis à moyen terme, je profite d’une opportunité de contrat aux Pays-Bas où je rejoins madame.

Je ne vais pas détailler tous les événements suivants, mais mes contrats suivants m’ont amené à travailler à nouveau en Belgique, puis en Afrique du Sud, et à vivre mes intercontrats en Thailande puis en Arménie quand madame y a travaillé et que j’étais sans boulot.

Pour répondre à Max qui demandait pourquoi j’avais quitté mon pays, je dirais donc que je ne l’ai pas choisi. J’ai suivi des opportunités mais ça ne résulte pas d’une volonté de quitter mon pays ou de me rendre dans un autre pays. En revanche, il est certain qu’avec le temps on développe un vrai amour pour d’autres destinations. Le pays que j’aime le plus, c’est la Thailande. La corruption y est omniprésente, il y a plein de problèmes de santé, du racisme, il y fait plus chaud et humide que dans un hammam, les gens regardent ta copine de travers quand ils voient qu’elle est avec un blanc, en se demandant si c’est une pute, y’a plein de choses qui ne vont pas… et pourtant c’est un endroit où on se sent bien. Ceci dit, il faut garder la tête sur les épaules : si on se sent bien en Thailande, c’est indubitablement lié au fait qu’on a un paquet de pognon comparé au Thai moyen.

Mes observations

Il me faut remarquer quelques points supplémentaires sur l’expatriation …quoique je n’aime pas le mot “expatriation” qui fait tellement penser aux employés choyés par leurs entreprises et qui ne vont jamais se mêler à la population du pays qui les accueille.

1) Loin des yeux, loin du coeur : quand on vit à l’étranger, on perd ses amis de France. J’ai gardé un contact avec mon meilleur ami, sa femme, mon 2ème meilleur pote, et 2 autres copains. Pour le reste, je conserve une relation amicale avec la dizaine de copains d’études avec qui on partage un forum phpBB. Mais j’ai perdu de vue tous les autres.

2) On devient un extra-terrestre. Ca n’est vrai que pour ceux qui restent vraiment longtemps à l’étranger, mais on est confronté à des réalités différentes. Il y a une infinité de choses qu’on prend pour acquis en France, des choses vraies ou fausses, et sur lesquelles la vie à l’étranger va apporter un éclairage nouveau. Et quand on revient en France, qu’on interagit avec des gens qui ne sont jamais partis, il peut y avoir un décalage. Vous imaginez toutes les choses qu’on peut faire ou dire de travers quand on s’adresse à un étranger ? Et bien c’est la même chose. On intègre des habitudes, des mimiques, ou des façons de penser qui peuvent être décalées par rapport à la France. Quelquefois c’est rigolo, et quelquefois ça rappelle l’allégorie de la caverne de Platon (extrait de l’excellent bouquin “La république” vivement recommandé) : on a l’impression d’être le mec qui est sorti de la caverne et qui a perçu un niveau supplémentaire de réalité, et quand on retourne en parler aux mecs qui sont restés dans la caverne, les mecs te trouvent méprisant ou refusent de te croire. Bref, j’ai pas besoin de psy mais y’a quand même quelques trucs frustrants dans ma vie.

3) On découvre son propre pays. C’est un peu lié au point précédent. Quand on vit en France, on ne s’en rend pas compte. Mais les intellectuels pédants et vaniteux qui nous disent que nos journaux télévisés sont de la propagande… ont raison. Ca n’est pas nécessairement une propagande organisée sciemment. C’est probablement plus une question de prisme culturel. On a l’habitude de nous présenter un certain type d’information sous un certain angle. Mais quand on vit à l’étranger, il y a forcément des étrangers qui vont nous poser des questions sur la France, sur ce qu’ils ont vu dans leurs propres média, ou dans les média américains, et ils vont nous confronter… soit avec une sincère ingénuité, soit vicieusement. Et dans un cas comme dans l’autre, on va être confronté à un éclairage particulier sur le fonctionnement de la France, un éclairage qui est absent de nos média. Ceci génère un choc cognitif ou une dissonance cognitive. On est confronté à une réalité incompatible avec les idées qu’on s’était forgées et c’est douloureux. Instinctivement, émotionnellement, on va avoir pour réflexe de rejeter l’information présentée par l’interlocuteur. Mais si on arrive à mettre notre intellect au-dessus de nos émotions, on va aller vérifier les infos, et si c’est confirmé, on va avoir comme une boule de nerf au niveau de l’estomac, comme une rage qui monte, une colère sourde mais qui n’a pas d’autre objet que nous-même et l’erreur dans laquelle on a été. C’est douloureux, épuisant, frustrant, mais c’est précieux. C’est un sujet à part entière qui mériterait un article de blog, mais c’est le genre de chose qui permet à posteriori de se dire “je suis devenu meilleur grâce à cela”.

3bis) du coup, je n’ai pas développé l’idée de découvrir son pays. Quand on vit à l’étranger, notre pays nous manque. Donc ok, y’a des gens qui vont nous confronter à un truc lu dans la presse internationale. Mais comme la France nous manque, on va prendre le réflexe de s’informer. Et puis ça permet de rester en phase avec le quotidien que vivent la famille et les amis. On écoute ou on lit France-Info, les news Google ou Yahoo, choisissez votre poison ! En ce qui me concerne, la politique ne m’intéressait pas avant mon départ, sauf Karl Zero qui a du talent pour le story-telling, mais désormais je suis devenu un geek de l’information et de la politique.

4) Le temps ne s’arrête pas. Vivre à l’étranger c’est bien. Il y a certains conforts, certaines joies, etc. Mais notre vie française, nos relations avec les amis et la famille sont mises en pause. Pourtant, pour eux, le temps continue d’avancer. L’achat d’un bien immobilier, la construction d’une famille, l’adhésion à un club de sport, l’engagement dans une action associative, descendre des bières sur une terrasse avec les copains ou se retrouver tous les jeudis à la même pizzéria, c’est le genre de chose qui disparait à moins de savoir qu’on est installé pour la vie dans un endroit donné à l’étranger. A l’étranger, on peut prendre du bon temps, aller faire quelques visites touristiques, de la plongée sous-marine, et on peut gagner pas mal de pognon. Mais après quelques années, on se dit qu’on échangerait bien tout ce pognon contre la situation de potes qui ont des fins de mois difficiles mais ont une baraque, un jardin, des enfants, une routine, une vie.

5) On découvre les peuples : on découvre des sociétés et des coutumes qui sont parfois très différentes et parfois étrangement similaires aux nôtres. Ca fait partie de l’enrichissement personnel. Comme ça, ça semble inutile, sauf que ça participe à notre dimension intellectuelle et politique. Quand tu es blanc et que tu marches dans les rues de Bangkok, y’a tous les taxis libres qui ralentissent en arrivant à ta hauteur, et y’a tous les rabatteurs qui te proposent soit des putes, soit des bars/spectacles à caractère sexuel, soit des films porno. Ca te fait réfléchir sur le racisme et sur l’hypersexualisation de la Thailande. Quand tu entends des hommes Thaï dire qu’il est “normal” de tromper sa femme et que tout le monde le fait, ça te fait réfléchir sur l’égalité des sexes et ça relativise l’hypersexualisation de la Thailande. Quand tu apprends qu’une femme Thaï divorcée n’a aucune chance de refonder un couple, ça te fait encore plus réfléchir sur l’égalité des sexes. Quand tu es aux Pays-Bas et qu’en réunion un collègue dit à la figure d’un autre que son idée est complètement débile, tu vois l’autre acquiescer et reconnaitre son erreur et ça te fait réfléchir sur l’éthique du travail… parce qu’en France, un truc comme ça finirait en engueulade voire en baston.

Voilà, voilà ! J’aime les pavés et encore je me suis retenu de développer certains thèmes abordés. S’il fallait conclure, je dirais que l’expatriation est très formatrice mais qu’on est faits pour vivre sédentairement tôt ou tard. Donc que vous choisissiez de vous installer définitivement à l’étranger ou que vous projetiez de revenir en France, il faut garder cet objectif de sédentarité en tête pour choisir au mieux votre mode de vie. Et aussi, profitez des opportunités pour partager le mode de vie des gens du pays d’accueil. Dernier conseil : même si je n’aime pas les Français de l’étranger, enregistrez-vous tout de même auprès de l’ambassade. Vous recevrez des invitations à des événements où on peut se gaver de petits fours et pourquoi pas rencontrer quelques personnes sympa malgré tout pour tisser des relations amicales ou créer des opportunités professionnelles.

22 thoughts on “Quitter son pays

  • Sam

    Il est bon de voir qu’on a pas mal de réflexions en commun : le temps qui ne s’arrête pas, le côté ET, etc…

  • Pour du beurre

    Excellent texte, l’image de la caverne est tres vraie. Typiquement, quand on parle des difficultés qu’on a pu avoir dans un pays, on se prend un “Ah mais c’est parce que tu sais pas t’intégrer” dans la figure. Tous les pays ne sont pas des terres d’immigration, il ne faut pas l’oublier.

  • roro

    Le parcours, particulièrement instructif pour les jeunes sur les pratiques du CNAM, dénote un sacré dynamisme.
    Excellente analyse de la condition de “déraciné”.
    La qualité du style ferait presque regretter sa concision.
    Ne te retiens pas d’écrire, on te lis avec plaisir.
    Et….Merci.

  • Erik Post author

    @roro : au CNAM je n’ai suivi que 2 cours (communication et management). Le CNAM est un organisme vraiment génial et d’après ce que j’ai entendu récemment, ils proposent même de suivre certains enseignements à distance en visioconférence, ce qui est cool pour les gens des DOM-TOM.

    Si tu parlais de “pratiques” pour mon statut d’auditeur libre, cela était au sein d’une école d’ingénieurs intégrée classique. Leurs critères d’évaluation et d’attribution du diplôme ne sont pas de mon goût mais c’est comme ça : dura lex, sed lex. Autrement dit, s’il y a des élèves d’école d’ingénieurs qui me lisent, le critère est clair : pour chopper son diplôme, c’est la moyenne générale qui compte et rien d’autre. Montrer patte blanche ne sert à rien. Si les évaluations se résument à un copier-coller des évaluations des années passées (en changeant la valeur des variables quand même), alors votre école n’en a rien à faire que vous compreniez le sujet. Ils attendent un copier-coller de la solution des années passées pour vous donner une bonne note et un diplôme.

    La qualité du style ferait presque regretter sa concision.
    Ne te retiens pas d’écrire, on te lis avec plaisir

    Merci du compliment. Je tiens aussi un blog où j’essaie d’écrire régulièrement, 2-3 fois par semaine, mais il est en anglais. J’ai aussi créé une version française où je traduis mes articles anglophones mais je suis très à la bourre pour mes traductions. J’y parle d’un peu tout : politique, cinéma, science, informatique…

  • Geekingfrog

    Sympa comme article !
    De mon coté ça fait 5 ans que j’ai quitté la France, 3 ans en Chine (études) puis 2 à Taiwan (boulot), et le ressentit est le même.
    Surtout le fait qu’on redécouvre son pays, mais qu’en même temps on s’en écarte de façon assez définitive parceque ceux qui restent commencent à dériver dans des vies différentes.

  • groug

    Article très juste, et bien écrit, j’ai pris plaisir à le lire !

  • JEEK

    P’tain mec, tu fais la 2ème partie quand tu veux… \o/

    Hein ? Quoi ? Y en a pas ? Raaaaaah’ ^_^

    Plus sérieux, travailler ailleurs…ne serait ce que quelques semaines ou quelques mois, je le recommanderais à un maximum de personnes car ça change énormément la perception qu’on a des choses…
    …6 mois de taf en contexte international (même si c’était en milieu mili’) a changé pas mal de choses pour moi et m’a filé un coup de pied au cul qui m’a donné un nouvel élan !

    Même si c’est vrai qu’avec l’age, on a tendance à vouloir retourner vers l’endroit qui nous a vu naitre (se fixer, toussa-toussa), j’adorerais repartir…même pour une mission “foireuse” avec du taf de folie et des conditions merdiques : PUTAIN C’EST ÊTRE VIVANT…
    :-D

    Et comme disait l’autre : “Le monde est un livre, celui qui n’a jamais voyagé n’en a lu qu’une page” (j’sais plus de qui c’est, de mémoire et pis voilà)

  • Morgotth

    Merci pour ce retour, je ne répéterais pas les autres sur la qualité du témoignage, juste qu’on en redemande ;)

    Ce qu’on remarque (et tu dis toi même), c’est que c’est une suite d’opportunité et non un choix murement réfléchi qui a fait que tu sois parti en Thaïlande, donc tu avais déjà une idée de ton travail la-bas. Mais as tu rencontré des gens qui y sont allé sans plan en tête ?
    Car j’ai déjà pu entendre les récits d'”aventuriers” qui débarquent et prennent un job lambda pour apprendre la langue locale mais c’est beaucoup plus risqué. Et j’imagine que les échecs sont nombreux.
    D’où ma question : quel sont d’après toi les prérequis pour bien réussir son expatriation ?

    Car commençant sérieusement à y songeant (je serais diplômé en Septembre), je commence à me demander comment faire et par où commencer. Donc merci pour ton témoignage et à ceux qui voudront également raconter leur expérience :)

  • Erik Post author

    Mais as tu rencontré des gens qui y sont allé [en Thailande] sans plan en tête ?

    Dans mon boulot, non. Je n’ai rencontré qu’un seul vrai globetrotter dans ma vie et je n’ai discuté avec lui que pendant 2-3 heures. Avant de se fixer dans une carrière, il a travaillé au noir avec des numéros de sécurité sociale falsifiés dans des fermes d’Australie, il s’est promené en Inde, Chine, Asie centrale avant de rencontrer sa femme en Ouzbékistan puis de se fixer.

    A coté de cela, j’ai croisé un moniteur de plongée à Koh Lanta qui a plaqué tout ce qu’il avait en Angleterre mais qui savait qu’il venait pour faire de la plongée en Thailande et qui y était depuis au moins 5 ans (en situation d’immigrant illégal).

    Partir à l’aventure sans rien de prévu, ça me parait très hasardeux. Déjà pour des raisons financières évidentes.

    quel sont d’après toi les prérequis pour bien réussir son expatriation ?

    Ca dépend de chaque personne et de ce que tu mets derrière le mot “expatriation”. Si tu parles de 2 ans à l’étranger puis de revenir, c’est pas pareil que si tu pars pour de bon.

    La 1ère chose, c’est qu’il faut être capable de vivre de manière solitaire sans déprimer. Si tu es très sociable, que tu as une personnalité à sortir tous les soirs et à te faire des tonnes d’amis tous les jours, ça t’aidera. Mais ça ne me semble ni nécessaire ni suffisant. Il faut être familier avec la solitude et être capable de s’en accomoder.

    Ca aide aussi d’avoir déjà voyagé dans des pays étrangers avant, et d’avoir rencontré des étrangers.

    Bien parler anglais aide, mais les exigences en la matière ne sont pas aussi drastiques qu’on veut bien le dire. Si tu peux suivre une série américaine en VO sans sous-titres en comprenant 75%, ça suffit. Plutôt qu’un anglais parfait, il vaut mieux avoir le courage d’exprimer ses idées. Tu vas buter sur des mots, on va te reprendre, mais au final tu exprimeras plus de choses que le mec qui parle un anglais parfait mais qui n’ose pas ouvrir la bouche parce qu’il a peur de dire des conneries. Ceci dit, il faut aussi faire des efforts pour s’améliorer au fil du temps. Il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de pays sont parfaitement bilingues et que les enfants issus de l’immigration sont souvent trilingues voire quadri (ex: les belges d’origine marocaine qui parlent arabe, francais, néerlandais, anglais).

    Il faut aussi de l’argent. La quantité dépend de ta destination, de ton mode de vie, et de ta capacité à trouver du boulot pour compenser tes dépenses. Oublie le chéquier, par contre! Ce qu’il faut c’est une carte VISA voire 2 pour couvrir les problèmes qui peuvent survenir lorsqu’une carte expire ou est bloquée.

    Il faut un ordinateur portable. C’est indispensable aujourd’hui. Avec ça, tu rajoutes Skype et Facebook pour garder le contact, même si Facebook c’est le diable. Les convictions politiques sur la conduite des entreprises, ça passe après le maintien du contact. L’expatriation est un mode de vie non-conventionnel donc les considérations conventionnelles sur le boycott des produits ou services deviennent secondaires. C’est triste mais c’est comme ça. Etre expatrié a ses périls et ses déconvenues. Pour Skype, tu te poses pas de questions et tu utilises ta carte VISA pour y mettre des sous et pouvoir appeler les gens sur leur téléphone. Aussi, tu te renseignes sur un vrai antivirus (donc pas MSE) parce que dans certains pays y’a des virus partout. C’est vrai en Arménie comme en Thailande comme en Afrique du Sud. Et l’ordinateur te servira pour plein de choses : films, séries, informations, radio, podcasts, blogs, youtube, MMO, etc. Internet c’est la vie. Et avant de te rendre quelque part tu vérifies 2 ou 3 sites web : Wikitravel, The World Factbook, diplomatie.gouv.fr. J’aurais tendance à recommander un ordinateur ultra-plat et ultra-léger pour économiser du volume et du poids de bagages mais perso j’y passe 16 heures par jour alors j’ai opté pour un portable gamer et je transporte mon sac à dos de 10 kg tous les jours. J’avais fait un sujet sur la confection d’un bagage minimaliste si ça intéresse : voir l’article.

    Car commençant sérieusement à y songeant (je serais diplômé en Septembre), je commence à me demander comment faire et par où commencer.

    Une 1ère expérience professionnelle t’aidera probablement. Au niveau informatique et autre ingénierie on trouve des SSII qui envoient les gens en France ou dans des pays limitrophes mais ces SSII sont des “marchands de viande”. Cherche sur internet le “livre noir du consulting” et considère que tout ce qu’il dit est vrai ! Sinon, si tu veux partir en indépendant, tu peux chercher du boulot sur jobserve.com par exemple. Ou bien sur un site d’actualités dédié à ta spécialité qui offre une section emploi. Par exemple pour les télécoms, c’est cellular-news qui fait office de référence. Quand tu bosses en indépendant, il y a une agence qui fait le lien entre toi et l’employeur mais il y a aussi une “management company” qui établit les liens contractuels et financiers entre toi et l’agence et un comptable si celui-ci n’est pas compris dans la management company. Ca parait impressionnant comme ça, mais il suffit de demander à l’agence (qui poste les annonces sur internet) de te mettre en relation avec une MC et ensuite tu demandes à la MC de te recommander un comptable utilisé par les autres indépendants qu’ils ont placé dans le pays.

    PS : désolé pour la taille de cette réponse. J’ai vraiment du mal à faire des mini-réponses.

  • Killop

    Merci.

    3) […] “C’est un sujet à part entière qui mériterait un article de blog”
    J’aimerais te voir, en effet, développer cet aspect ce serait sans doute très intéressant.

  • Bussiere

    Pour le 2 pas besoin d’aller a l’etranger, trainer dans des milieux alternatifs suffit largement. Cela t’ouvre d’autres horizons, mais du coup tu t’ouvres aussi a l’etranger en discutant avec d’autres personnes d’autres milieux undergrounds.

    Par contre je rajouterai un truc je suis en train de reflechir a migrer et je conseillerai si possible de s’appuyer sur ses reseaux de passions.

    En belgique et en bulgarie , j’ai trouvé et discuté pas mal de contacts dans des milieux undergrounds (otaku , sm , capoeira , feu, hackerspace, burning man).

    Et j’avais déja croisé des personnes de ces milieux en france, les milieux undergrounds sont relativements internationnaux et permettent de se sentir intégrés plus facilement selon moi.

  • Erik Post author

    @Killop : je viens de rédiger un article qui développe ce sujet. Reste à faire les retouches, la relecture, et je devrais le soumettre à Sam et Max demain… enfin, aujourd’hui vu qu’il est déjà 2h du matin passé, pour une publication quand ils le souhaiteront.

    Du coup, je reprendrai aussi ces articles sur mon propre blog :-P

  • Anon

    Rien a foutre de sortir de la caverne, les caméras de surveillance font tout le boulot ! Non …?

  • k3c

    Et encore un ! Oui, un “jeune”, qui a fait de bonne études en France, et qui se barre à l’étranger. J’en connais plein, ingénieur (dans plein de domaines, pas seulement info), commercial (via Hec), diplômé dans le domaine médical.

    Donc je résume, la France forme des jeunes via son système éducatif, ça lui coûte un bras, et ensuite ils vont bosser autrepart.
    Bon si tout le monde trouve ça top…

  • Erik Post author

    @k3c : je n’arrive pas à comprendre la démarche de ton message, ni à savoir si tu as réfléchi avant de poster. J’ai l’impression que tu as juste voulu te focaliser sur le phénomène de fuite des cerveaux sans vraiment réfléchir à la question à l’échelle du pays ni à l’échelle de l’individu.

    Dans le sens de migration inverse, la France reçoit les cerveaux en provenance de nombreux autres pays. Et puis en tant qu’individu, j’ai un peu la liberté de faire ce que je veux de ma vie, non ? Et niveau financement de mes études, j’ai toujours été dans le privé et j’ai payé avec mon fric et la sueur de mon front mes études supérieures. Tu veux aussi aller inspecter le détail des dépenses au centime près ? Dans ce cas pourquoi pas fustiger les chomeurs ou smicards qui ne valorisent pas les dépenses d’éducation pour leur faire obtenir le bac ? Sérieusement, je pense que tu cherches la petite bête. Ah oui, et puis quand j’ai cherché du boulot en France en 2007, j’ai passé l’entretien technique mais j’ai été recalé à l’entretien RH et j’ai galéré 6 mois avant de retrouver un taf à l’étranger. Alors si y’a pas moyen d’avoir un boulot ici et que je consens quand même de beaux sacrifices pour aller travailler n’importe où, c’est un peu abuser de venir pleurer sur la fuite des cerveaux. Et là, en ce moment, je suis en train de faire mon retour en France et avec les perspectives de retraite qui se dégradent chaque jour un peu plus et 10 ans de non-cotisation (à voir si ça vaut le coup de racheter les annuités), je vais payer le prix fort. Je rajouterais bien une couche sur l’aridité de la société d’aujourd’hui par rapport à celle dans laquelle ont évolué nos parents, mais je pense que suggérer ce thème suffit à faire comprendre mon point de vue.

    Donc si tu as un point de vue plus élaboré à faire valoir, je veux bien m’y intéresser. Mais juste un laïus superficiel sur la fuite des cerveaux, c’est insuffisant.

  • k3c

    Erik a écrit
    >>>j’ai été recalé à l’entretien RH
    Tu es sans doute un type valable, certains signes ne trompent pas :-)
    Tu as mal compris mon message. Bien évidemment, tu as le droit de faire ce que tu veux, aller bosser où tu veux.
    En général, les pays (comme les USA), essaient de retenir les jeunes les plus talentueux des autres pays. Et ces types créent souvent des boites innovantes. La France fait visiblement l’inverse.
    Oui, on est dans un monde qui bouge, et nos politiques, handicapés du mulot, ne le comprennent pas. Dans le livre “High Stakes, no prisoners”, le créateur d’une petite boite, revendue 3 ans plus tard, 130 millions de $ à Microsoft (qui rebaptisera le produit Frontpage) dit que les PDG pas assez techniques dans les domaines techniques sont mauvais. Comme ton PDG belge qui voulait tout sous-traiter, c’est bien connu, dans les telco, il n’y aucune technique, pas le moindre soft.

  • Max

    Merci pour cet article très bien écrit.

    J’y vois pas mal de similitudes avec ma jeune expérience d’expat, ceci dit n’étant pas parti pour les mêmes raisons je me vois mal retourner dans ce pays à part pour y voir la famille ou comme “touriste”.

  • roro

    Pour voyager où que ce soit et pour y faire quoi que ce soit;
    la tranquillité de l’esprit,la durée, les conditions…et le reste..
    Dépends de la quantité de “carburant” présente dans le réservoir.
    Et si on n’arrive à rien, et bien on aura pris des vacances.

  • bussiere

    Apres mister erik je ne sais pas ta situation mais un des trucs qui moi me fait un peu peur, c’est trouver quelqu’un pour se mettre en couple.

    Déja sans etre expat mais trainer dans l’underground je vois ce que tu veux dire avec la caverne. Alors apres ce decalage quand on veut se caser …

  • Erik Post author

    La question sur la vie de couple est intéressante mais je n’ai pas de réponse ultime à ça. Lorsqu’on finit par se poser de manière définitive quelque part, au moins pour vivre avec un boulot en CDI, je pense qu’on peut se poser la question.

    Sinon, il est évident que la vie itinérante est un énorme défi. Pendant les 7 années de mon couple, il y a eu énormément de temps passé à distance de ma belle et c’était pas facile. On passait quand même plus d’1 heure par jour sur Skype, ce qui en même temps me parait beaucoup mais qui ne me pesait pas.

    J’ai vu un autre expat’ dont la vie de famille fonctionnait, mais c’est parce que sa femme et ses enfants le suivaient partout. A ce moment là, c’est la femme qui sacrifie sa carrière.

    Une autre question que suggère ton message, c’est comment, après être sorti de la caverne, ne pas devenir casse-pied envers la prochaine copine. C’est une question que je me pose mais je me dis qu’on verra bien comment ça se passe quand j’aurai une nouvelle copine. Peut-être que j’en trouverai une qui est aussi sortie de la caverne. Ou peut-être que ça sera un poison pour mon futur couple. Ca ne sert à rien de trop gamberger là-dessus. Il faudra simplement juger sur pièce après avoir trouvé qq’un.

  • Bussiere

    Pas forcement dans le sens etre casse pied (quoique je peux l’etre aussi).

    Mais quand tu as beaucoup vécu (de mon point de vue hein), et vu pas mal de trucs differents, bah j’ai beaucoup de mal avec les gens pleins de certitudes et d’idées preconcues. Surtout quand tu vois les choses que tu sais “fausses” dites naturellement et que tout le monde repete ou croit ou sont acceptées. La soit tu t’ecrases et tu prends sur toi, soit tu ouvres ta gueule et ca finit souvent mal.

    Et trouver une nana ou un mec, qui accepte de remettre en cause pas mal de choses qu’elle peut croire est difficile.

    Et personnellement je peux fermer ma gueule pour mes potes (mon meilleur pote est a l’opposé de moi niveau politique) , mes connaissances, autant ma copine ca ne passe pas vu le temps que tu passes avec.

    Apres je pourrais en parler pas mal dessus aussi, mais par exemple je ne sais pas si tu as remarqué que tout le monde a des contradictions mais tres peu de gens les assument. Et que souvent les gens ont des croyances ou des valeurs avec un systeme de logique bizarre. ILs acceptent certaines choses mais en refutent d’autres alors que les deux sont valables et voisines.

    C’est plus dans ce sens la que ca m’inquiete. Mais bon on verra tres bon article en tout cas, merci.

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